Sommaire
Introduction. De chair, de fer et d’encre 1. Grandir à l’ombre du validisme Ma colonne brisée Une valide ratée 2. Acquérir les bons mots : une politisation progressive du handicap Les premières expériences militantes Sortir du modèle médical du handicap Replacer le handicap comme un enjeu sociopolitique Que signifie véritablement « être handicapée » ? 3. Vivre, évoluer et se construire à Validitéland Faire du handicap une fierté Le mythe de la capacité Lutter contre un système global 4. Un antivalidisme féministe, queer et intersectionnel Handicapée et femme Queeriser le handicap Validisme partout, justice nulle part ! Un nouvel enjeu crip : la parentalité 5. Franchir les frontières entre handicap et validité Psychologie du validisme Le coronavirus, miroir grossissant du validisme Conclusion. Un monde où grondent nos colères. |
De Chair et de fer
Vivre et lutter dans une société validiste Edition La Découverte, 2022 Dès l’instant où je suis née, j’ai porté sur moi les marques évidentes du handicap. Ma relégation aux marges de la société s’est alors installée irrémédiablement et il semblait naturel que mon existence se déroule en bas de la hiérarchie des vies humaines.
Mais ce destin tragique n’a rien de naturel : il est écrit par une société qui érige des normes à coups de mesures légales et d’examens médicaux et exclut certains corps, certaines vies. Aller à l’école, travailler, se loger, tomber amoureuse, se déplacer, militer, élever des enfants… Toutes les activités qui font de nous des êtres sociaux sont très difficilement accessibles aux personnes handicapées. Plus que nos corps et nos esprits, ce sont les structures sociales qui entravent nos vies. Dans cet essai autobiographique, je retrace cette histoire de violences et de discriminations dont j’ai hérité et décrypte le système idéologique qui les soutient : le validisme. Mais je raconte aussi que nous, les personnes handicapées, pouvons nous réapproprier cette histoire et faire de nos identités des outils de lutte pour l’émancipation et des sources de fierté. Ielles en parlentArte, 28 minutes
Charlotte Puiseux / La fonction publique n'attire plus mercredi 24 août 2022 Charlotte Puiseux : une handicapée en guerre contre le mépris “Dès l’instant où je suis née, j’ai porté sur moi les marques évidentes du handicap”. Anticapitaliste et handiféministe, Charlotte Puiseux ne peut dissocier sa maladie génétique de la société dans laquelle nous vivons. Oppressions, charité, “médicalisation” du handicap : elle lutte depuis le début des années 2000 contre le validisme, un système de valeurs et de pouvoirs qui discrimine les personnes handicapées du fait de leur non correspondance aux normes sociales. Psychologue clinicienne et docteure en philosophie, elle souhaite importer en France la pensée “crip” — une abréviation de “crippled”, “boiteux, infirme” en anglais — qui transforme les stigmates autour du handicap en fierté communautaire. Dans son essai autobiographique “De chair et de fer. Vivre et lutter dans une société validiste”, Charlotte Puiseux énumère les activités difficilement accessibles en France : aller à l’école, se loger, militer ou élever des enfants. Pierre Tévanian
Un livre important 2 septembre 2022 « Plus que nos corps et nos esprits, ce sont les structures sociales qui entravent nos vies. » S’il fallait résumer en une phrase le propos, salutaire, du livre de Charlotte Puiseux, De chair et de fer, qui vient de paraître, ce serait peut-être celle-ci. En 160 pages à la première personne, faites de chair et de fer comme l’est, selon ses propres mots, son autrice, cette dernière nous livre, réduite à son expression la plus simple, directe et implacable, une autobiographie pour ainsi dire totale : un récit de vie, une socio-analyse, une autobiographie intellectuelle et politique. De page en page, on découvre dans toute leur étendue la violence du handicap en même temps que la puissance de la combattante, mais on comprend surtout que ni cette violence ni la capacité de résistance qui lui fait face n’ont rien d’un simple donné naturel. « Dès l’instant où je suis née, nous dit Charlotte Puiseux, j’ai porté sur moi les marques évidentes du handicap. Ma relégation aux marges de la société s’est alors installée irrémédiablement et il semblait naturel que mon existence se déroule en bas de la hiérarchie des vies humaines. Mais ce destin tragique n’a rien de naturel : il est écrit par une société qui érige des normes à coups de mesures légales et d’examens médicaux et exclut certains corps, certaines vies. ». C’est sur ces normes que le livre de Charlotte Puiseux vient d’un même mouvement nous interroger et nous instruire, et sur leur caractère arbitraire et changeant – en un mot : leur historicité. Sous la paresseuse « évidence » du destin biologique, c’est tout un système idéologique qui se fait jour, que l’autrice nomme par son nom : le validisme. Au-delà de l’effet – au demeurant saisissant, et en lui-même admirable – de révélation, de visibilisation et de dénonciation, l’autrice déroule une analyse aussi rigoureuse dans les concepts mobilisés que précise, concrète et incarnée, qui nous permet d’entrevoir l’enfer social que nos sociétés validistes infligent aux « mauvais corps » à tous les niveaux de leurs existence – qu’il s’agisse d’aller à l’école, de travailler, de se loger, d’accéder à la culture, aux loisirs, aux « sorties », de nouer des relations amicales et amoureuses, de militer, d’élever des enfants… La force du livre est enfin de nous rappeler que la puissance de résister n’est pas une affaire plus naturelle et individuelle que l’impuissance liée au handicap : de même que ce sont des structures sociales qui produisent et entretiennent l’impuissance, ce sont aussi les rapports sociaux qui rendent plus ou moins possible la résistance. Ce sont, notamment, des lectures, des rencontres, des liens, des expériences collectives qui aident à la fois à supporter, comprendre et combattre l’expérience vécue de « l’entravement ». Que les liens soient familiaux, amicaux, amoureux, militants, ils sont à l’honneur dans ce livre qui récuse avec force la posture de la « super-résiliente », souvent attendue comme gage de « bon·ne handicapé·e », qui ne se plaint pas et trouve « au fond d’elle-même » la force de toujours se surpasser. C’est l’un des grands intérêts du livre de Charlotte Puiseux : en même temps qu’il nous familiarise avec des concepts, des grilles d’analyse et des courants de pensée encore trop marginaux (comme les disability studies et les mouvements crip), il nous raconte par quels chemins – et grâce à quel·le·s « passeurs » ou « passeuses », quels « détours » et quelles « intersections » – l’autrice y est elle-même parvenue. On l’aura compris : cette lecture est indispensable. En voici, pour finir de s’en convaincre, quelques pages extraites du chapitre 2." Lire ici: https://lmsi.net/Sortir-du-modele-medical-du-handicap |